vendredi 27 février 2009

Les précepteurs de l'ombre

En 2006 j'ai écris ce petit laïus pour mettre un beaume sur le coeur de certain et pour faire état de l'injustice qui se dessinait dans un milieu comme le mien.
J'ai reçu des appels de remerciement, des gens en larmes, des gens touchés droit au coeur me disant que c'était le seul MERCI qu'ils avaient reçu en mille ans de carrière ...
C'est encore pertinent mais ça prend une toute autre forme avec la crise qui sévit partout en ce moment et surtout avec le cinoche Américain qui nous boude ...
ÇA SE LISAIT COMME SUIT:

PRÉCEPTEUR: Maitre qui instruit et éduque un étudiant par un enseignement particulier et non collectif .
(Petit Larousse)

Le beau milieu dans lequel nous évoluons a ceci de magique et de pernicieux ; il met sur notre chemin des précepteurs tous plus différents et enrichissants les uns que les autres.Vient le temps où l'étudiant que nous avons été se retrouve dans la position de précepteur et ainsi va la vie ... Une seule ombre au tableau:
l'industrie du cinéma au Québec étant encore assez jeune, on commence à peine à faire face à une réalité franchement navrante; qu'advient-il de nos mentors et professeurs une fois qu'on fait le même métier qu'eux?
Le citron bien pressé, on le jette? Au moment où j'écris ces quelques mots, plus de la moitié des techniciens, créateurs et magiciens de tout acabit ne savent plus où donner de la tête !!!

N'ayant pas bénéficié des avantages que nous prenons maintenant tous pour acquis, leur retraite prend des allures de cauchemar plutôt que d'un repos bien mérité . Les plus jeunes qui auront su tirer avantages du boom du cinoche Américain ont accepté des postes qui auraient dû être comblés par des gens d'expérience !
Même les C.V. épais comme des bottins téléphoniques ne valent pratiquement rien quand vient le temps de se réorienter. Raison? Trop spécialisé !!! Que dire du virage informatique ? Ont-ils tous le goût de s'y mettre ? Après 30-40 années passées à satisfaire tout le monde avec 3 sous, on peut comprendre que ces pionniers veulent aller à l'essentiel soit, payer leur loyer, manger 3 fois par jour, s'habiller chaudement et préparer leur vrai retraite (dorée de préférence et pas imposée). S'ajuster aux nouvelles façons de faire, réapprendre constamment et se plier aux courants "nouveau-genre" peut être étourdissant et confus pour tous. Possible mais lourd ...

Les exemples de retraités du cinéma au Québec commencent à peine à se faire sentir et je parle bien du cinoche indépendant puisqu'on a pas tous la chance d'avoir un papa , une maman ou un vieil ami retraité de l'O.N.F. avec tout les avantages qui s'ensuivent.
Reste qu’en général, on y pense pas, jusqu'au jour où on a le nez dedans ou bien qu'un proche en arrache et ce, même s'il a gagné des prix, que c'est un bourreau de travail doublé d'un artiste hors-pair ! Que faire quand même les amitiés, les "plogues" et les cliques n'y font plus ?
Quand les semaines de 80 heures vous ravagent la santé mais que vous êtes encore excellent dans ce que vous faites ? Que vous êtes habitués à un salaire et un niveau de vie confortable et que du jour au lendemain, il faut aller faire la file au B.S.?
Ça sonne alarmiste mais c'est malheureusement une réalité que certains de nos plus grands maîtres vivent en ce moment même ...Je pourrais nommer des gens mais pudeur et dignité s'imposent devant tristesse et découragement ...

Avez-vous déjà fait l'exercice de dresser la liste des gens avec qui vous avez appris, ce qu'ils vous ont montré, les passions qu'ils ont réveillées en vous ? Tous ces profs non-rémunérés pour les cours où ils nous ont transmis leurs savoir sur le tas sont sur le point de tirer leur révérence, l'ont déjà fait où sont ostracisés par un milieu dur et sans merci qui les jettent comme des vieux kleenex usés bien avant le temps.
Quelles sont leurs possibilités ? Où va-t-on avec un bagage hors du commun quand on ne veut plus de nous ? Notre syndicat saura-t-il s'adapter à cette nouvelle avenue qui nous touchera tous un jour ou l'autre ? C'est qu'on a pas 20-30 ans toute la vie !!!
Le train d'enfer dans lequel nous vivons nous donne-t-il le temps de penser à l'avenir comme il faut ? Les niveaux de vie qu'on se donne vu les salaires que nous faisons et auxquels on s'habitue seront-ils les mêmes quand, la cinquantaine largement dépassée, le téléphone et le fax ne seront plus aussi rouges qu'ils le sont maintenant? Serons nous prêts quand le glas de la retraite sonnera ? Aurons-nous des projets viables pour les "workaholics" que nous sommes tous un peu ?

Beaucoup de questions auxquelles nos professeurs n'ont pas eu le temps de penser et de répondre, trop occupés à gagner leur vies et à nous apprendre le métier que nous exerçons dorénavant .
Les closes d'engagement par ancienneté des autres syndicats peuvent-elles nous servir d'exemples ? Quand on sait que des directeurs artistiques chevronnés, des chefs machinos dont la réputation n'est plus à faire, des gaffers renommés et des créateurs costumes bourrés de talents (j'en passe ...) qui ont fait leurs preuves au fil des ans en arrachent monétairement de façon lamentable puisqu'ils n'ont pas de boulot et que de jeunes loups opportunistes avec moitié moins d'expérience refusent des jobs tant on leur en offre, il est difficile de ne pas crier à l'injustice . Quand ce sont des gens qui nous ont tout montré, c'est désespérant . Quand ça nous arrivera à nous, on sera surement enragés noir ...

Je n'apporte malheureusement pas de solutions mais je veux que tous les artisans qui ont oeuvré dans le milieu cinématographique et qui nous ont enseigné malgré eux avec verve et joie et qui n'ont pas travaillé depuis trop longtemps, à leur grand désarroi sache que ce petit mot se veut un hommage à leur enseignement resté dans l'ombre qu'aucune école ne donnera jamais !!!

MERCI !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je connais quelques retraités du monde du cinéma québécois. Ils vivent bien, tiennent des B & B, travaillent ici et là, des jobinnes pas fatigantes. Ils ne sont pas plus mal lotis que bien d'autres professions.

La Shirley a dit…

Je te trouves chanceux de connaitre ceux-là Garamond, parceque les 2 seuls truc qui reste à ceux que je connait, en ce moment, c'est la résilience et la débrouillardise ... Thank God