dimanche 28 août 2011

Cawole, Ange Gardienne du Saint Rothman King

Juillet 1994, par un beau Vendredi, j’appelle pour donner l’heure d’appel de Cindy, la nouvelle gardienne de Mister Fiss qui a 4 ans. J’ai trouvé Cindy par le billet d’une agence de placement. Elle a 24 ans, trop petite, mal engueulée, fumeuse, une voix de crapaud , des percings et elle adore mon Tiku qui lui, l’apprivoise tranquillement. Ça fait 2 semaines que les observe apprendre à vivre ensemble dans ma maison, juste avant de commencer un tournage de plusieurs mois. Tout a l’air de bien se passer.

Sa mère me répond et fond en larme, Cindy est décédée d’un arrêt cardiaque, elle faisait de la dialyse 1 fois semaine, ne m’en avait jamais parlé et avait en fait, une santé ultra fragile. Je suis consternée, la bouche à terre, me confond en excuses et en condoléances et raccroche en ramassant ma bouche, toujours sur le plancher du salon. Reste que … j’avais besoin d’une gardienne le lundi suivant à 5 heure du mat pour aller habiller, Ô ironie, des faux docteurs sur la série Urgence de Fabienne et Réjean … Ma réalité à moi.

Assise sur le balcon à essayer de trouver une solution, appelant tous les gens que je connais pour avoir un coup de pouce , j’entends ma voisine sortir sur son balcon et sa voix me fait sursauter :
-« Cooooouuuuuuuudonc, t’as ben l’air décrissée toé ! » me dit-elle de toute sa classe de BS génétique édentée mangeant un Joe Louis et sirotant une root beer tout en crissant une claque derrière la tête de son p’tit dernier, morveux et bruyant. Je lui fais la conversation parce que je suis polie et ne voit en elle que tout sauf une issue joyeuse à mon problème. Tout en jasant de ma condition, une femme arrive dans sa cours, venue lui donner un coup de main à son ménage, étant une ramasseuse compulsive et se trouvant ensevelie sous une montagne de cochonneries à trier et à vendre dans des ventes de garage semi lucratives. La dame en question se présente, écoute mon histoire et me dit que, coudonc, elle pourrait, elle, venir garder … Tout ceci se passe en une demi-heure !

Après présentations de mise, entrée dans ma demeure, rencontre en bonne et due forme du Tiku, prologue des Légo et Playmobile, tour de la maisonnée, serrage de pince avec le chum du moment et mise en situation de ma vie de mongole et de mes horaires à la con, tout le monde est charmé. Carole , ma Carole, fera dorénavant partie intégrante de ma vie. Un des après-midi les plus chargé et important de mon existence. En moins de deux heures, ma vie s’est schtroumphée et reschtroumphée et ce, pour le mieux de tous.

Carole , pure inspiration des romans de Michel Tremblay, aura eu la lourde tâche d’être l’aînée d’une famille trop nombreuse, passant sa vie à alléger celle des autres, sa mère acariâtre et amère la traitant comme une esclave, ne trouvant aucun réconfort aux yeux toujours clos de son père alcoolique et désabusé. Rancœur et culpabilité, tristesse lourde, frustration et envie auront été son pain quotidien jusqu’à sa sortie du nid familial, austère et hermétique comme un couvant.

Tout allait bien jusqu’à la fermeture de milliers de poste à la grosse compagnie qui l’engageait. N’ayant jamais eu l’opportunité de se repositionner dans un poste équivalent, elle a vogué au cours des jobinettes, résiliente et fière, ayant vite appris à ne pas faire de vague et à se démerder sauf que … l’amour propre, déjà scratché, aura juste usé plus vite que prévu. Pas de boulot substantiel en vue, pas de chum pour aider, pas de famille pour tendre une main , pourquoi pas gardienne du plus merveilleux petit garçon du monde ?

Son arrivée au sein de notre famille aura changé autant de choses pour nous que pour elle. Elle était enfin indispensable à mes yeux de jeune maman monoparentale, indétrônable aux yeux pleins d’amour de mon crapounet de 4 ans complètement enamouré, irremplaçable aux yeux du nouveau chum en tant que femme de la maison , capable de tout, tellement qu’on l’a fait déménager dans notre triplex, juste en haut de chez nous, juste pour la garder plus près, dans un logement mieux que son un et demi désolant, lui permettant de descendre en jaquette, Rothman king Size au bec avec son café instant, bichonner mon Tiku à des heures impensables, me laissant la chance de monter dans ma petite carrière sans avoir les boyaux serrés d’inquiétude.

Carole ma Carole, sans qui Mister Fiss ne serait pas celui qu’il est, sans qui ma vie n’aurait été qu’un amoncellement de craintes et d’anxiété, avec qui j’ai partagé temps, tendresses , confessions et fous rires, avec qui j’ai pu aussi pleurer mes amours, célébrer les anniversaires, fumer des smokes avec une bière dans la cours, lui apprendre qu’un tartare de bœuf ne se mange que saignant et retrouver avec elle, l’art perdu du rôti de porc. Toutes ses souffrances liées à ses histoires de familles ne sortaient qu’une fois arrosée de rhum, de plus en plus cachées, de plus en plus douloureuses, nourrissant la bête en elle …

Mais Carole, ma Carole devenue Cawole pour les intimes, retrouvait toujours un peu de légèreté au sein de notre groupe aimant, elle a aussi gardé ma nièce, fait les ménages les plus fabuleux qu’une tite femme de carrière puisse espérer, plier nos bobettes, frotter les cadres de portes et montrer à mon fils comment ne pas faire de bruit le matin pour laisser maman dormir parce qu’elle a travaillé toute la nuit dehors en hiver …
Elle a communiquer par petites notes, téléphones et petits gestes sentis, n’a jamais oublié une seule date de fête, fiable comme 12 sur rendez-vous importants, présente à ma place quand mon fiston s’est fait renversé à vélo par une automobiliste distraite, bref, ma femme au foyer, mon amie ma grande sœur, celle sur qui j’ai pu compter en tout temps.

Depuis qu’elle est devenue l’amie de mon Mister Fiss qui n’avait plus besoin de ses bons soins mais toujours de sa présence, sa vie ne s’est composé que de millier de ménages, de prises de becs avec sa famille, de changements d’adresses mais pas de vie. Toujours présente et pour les sorties restos et pour l’entretient ( la seule au monde capable de me faire pâmer sur un ménage) de notre casbah, toujours dans mes priorités d’appels, Cawole a fondu comme neige au soleil dans les derniers mois de l’été.

Je la savais capable de tousser ses 2 paquets de cigarettes de façon méga-alarmante, je la connaissais grande fana de la sandwich au pain blanc, moutarde de baseball et balooney, des cafés en « pourdres » et des ti-beignes au sucre mais la voir 10 livres en moins d’une fois à l’autre de nos rencontres de plus en plus espacées me donnait des indices sur l’état de sa santé même si j’ai toujours respecté ses silences sur certains aspects de sa vie privée. Non, elle n’avait pas enfin vu la lumière chez Weight Watchers et non elle n’allait jamais devenir crudivore et yoguiste. Elle avait l'air de la mère de ma mère et était pourtant plus jeune qu'elle.

Ma Cawole allait mourir jeune, je l’avais toujours su … Mais je la savais aussi capable de mourir seule, en catimini, loins des yeux de ceux et celles qu’elle a repoussé au fil des ans. Elle n’allait pas me faire ça à moi, sa chum de fille .

J’ai appris son entrée à l’hosto par un cameraman de notre film qui faisait faire ses ménages par elle … La criss ! La maudite ! Pas fait ni un ni deux, j’ai appelé tout le monde ! Mister Fiss a pris son courage à deux mains, y a été, l’a bizoutée autant qu’il a pu, lui a dit combien il l’aimait et ce , pendant qu’elle était consciente. Thank God. Son fils d’emprunt comme elle l’appelait, aura fait ce que doit. Il aura aussi le cœur léger. Si elle voulait faire ça discret, j’ai fait échouer son plan. Pas question de mourir en secret.

J’ai donc pu la tendrifier, lui faire des baisers sur son front, lui flatter la tête et lui dire tout l’amour et toute la gratitude que j’ai pour elle. La beauté des malades intubés et inconscients, c’est qu’ils se laissent enfin coller et câliner. Je me suis gâtée.

Elle est partie, quitter sa carapace cancéreuse pleine de blues , son beau rire en cascade résonne dans mes oreilles, Cawole ma Cawole , bien plus grande qu’une nounou de luxe, plus attentionnée que le Dalaï Lama, plus rocker que Gerry, ton absence se fera tellement sentir que je devrai aller te jaser sur le perron en regardant les étoiles en espérant que tu t’amuses enfin.

Tu le mérite plus que tout, t’as pas eu ta part ben ben …
Je t’aime et tu vas nous manquer.
Ta Shirley

dimanche 21 août 2011

Là où y’a de l’humain …

Y’a de l’humainerie !

Je ne me rappelle plus qui a dit ça …
Mais c’est surement mon gourou sans que je le sache !
La politicaillerie et les petites guerres ouvertes dans les groupes qui compose notre plateau se font ressentir vu le « count-down zero » commencé, les flèches sont plus piquantes, les langues se délient, les coups bas se dévoilent, bref, je me répète ! Plus la fin approche, plus les susceptibilités prennent la place. On s’en sort pas !

En vrac d’humainerie donc :

*Les filles et les fils DE sont toujours remarquables sur un plateau, ils portent tous et toutes les stigmates de papa-maman. Des fois c’est bien, des fois moins … Le mien de Mister Fiss en souffre d’un bord et se fait célébrer de l’autre. Il pense à changer de nom de famille sérieusement . J’ai dû jongler avec ça aussi avant de réussir à me faire mon propre nom, CV à l’appui.

*Au milieu d’une production de film, les ragots de projets à venir se font de plus en plus juteux. Spéculations et téléphonie se font aller allègrement, lire et relire Pérette et le pot au lait j’avais dit je crois, ne ferait pas de tort aux excités workaholic qui veulent travailler sur tous les gros films, au risque de faire de l’overlaping extreme et finir avec une réputation de « pas fiable », surtout si le dit film fini par tirer la plogue et laisser tous les énarvés le bec à l’eau … La seule vrai garantie qu’un film se fera est votre nom sur un contrat et un gros party de clôture de tournage !

*Jamais ri autant avec ma gang de Nains-petites-personnes-liliputiens ! Les Rois de la joke pas propre, sexiste, raciste, naniste (ça se dis-tu ?) et pas politically correct pour 2 cennes ! Rien ne les arrête ! La pauvre Blanche Neige a de la misère à se concentrer ! Les blondes, les femmes, les bébés sont tous là, heureux et ceux qui ne peuvent pas venir s’ennuient comme 20 et skypent à mort, nous présentant comme étant les responsables de leur santé mentale, nous, les chikas du costume. La musique sort des toutes petites enceintes de son des Ipod de cette joyeuse gang et les fait patienter en attendant de faire joli sur le plateau, on danse, on chante et Pippa (en photo plus haut ) est dorénavant notre mascotte et on veut la garder la fin de semaine, en tout cas on s’est offert ! Que du bonheur !

*Zamouri a une nouvelle maitresse. Il me trompe avec la grimpe, les rock-gym et les flans de montagne ! Sa nouvelle obsession lui aura valu un index en bouillie et une cheville cassée mais tout s’excuse quand on regarde les résultats de bien-être dans la tête et de musculation sous le t-shirt blanc ! C’est du joli !

*On ne demande pas à un uni-jambiste de courir le marathon mais on voudrait tant qu’un kid avec des maux qui ne paraissent pas, « comprenne et agisse comme du monde». La santé mentale a ça de pernicieux qu’à moins de vous baver dessus dans une chaise roulante, le peuple ne vous prend jamais complètement au sérieux à moins de poser des gestes malheureux aux conséquences désastreuses. Le plus grand défaut de ces maladies-là c’est que ça ne parait pas. Un grand grand câlin virtuel à ceux et celles qui dealent avec des membres de leur famille atteints de maladies mentales sournoises et inquiétantes qui vous bouffent l’énergie. Un grand bizous de compassion aux enfants qui souffrent et ne comprennent pas tout ce qui leur arrive.

*Dans la catégorie « J’aime-ma-job », il y a le rituel du Vendredi établi par un de nos producteur Américain du nom de Jeff. Jeff est de New-York et vient à Montréal depuis qu’il est tout petit. L’an dernier, durant le tournage d’Immortals, son papa est décédé. On lui a fait une jolie carte avec tous nos vœux de condoléance et ça l’a touché au plus profond de son cœur. Le lendemain de la remise de carte, est arrivé des centaines de cartons pleins de drink d’Orange Julep. Il nous a raconté qu’étant petit, lui et ses frères embarquaient dans la grosse bagnole de leur père pour aller rendre visites aux amis de celui-ci vivant à Montréal et que le seul truc pour les tenir tranquille était de leur promettre un grand Orange Julep et un hot-dog, truc qui, of course, fonctionnait à merveille. Il nous promettait donc, qu’à chaque dernier jour de la semaine, il nous récompenserait de notre beau travail de la même façon que son Papou le faisait, hommage à la gentillesse des gens de Montréal et Ode aux souvenirs d’enfance. Mon petit cœur à moi, saigne toujours un peu quand je sirote religieusement le mien de drink et mes yeux se mouillent systématiquement en pensant à mon père à moi !

*J’aimerais bloguer tout plein mais je n’y arrive pas, les semaines de 80 heures et plus me râpent la créativité et je passe trop de temps loin de mon ordi et de ma paperasse , ce qui me force à faire des « devoirs » de costumes la fin de semaine, me laissant autant l’envie d’écrire que de pelleter l’hiver après une grosse tempête.
Et pourtant, c’est pas les histoires qui manque !

Allez ! Bizous !