mardi 17 novembre 2009

Oraison funèbre

La mort d’un Pierrot
Pas tout blanc avec une collerette, oh non ...
Tout rougeaud qui fleurait bon le bran de scie et la pipe
Un Pierrot aux mains grandes, fortes et rugueuses
Des mains qui caressaient le bois et en faisait ce qu’il voulait
Des mains d’où il sortait des étoiles
Sans compter les chutes de reins, il en a caressé combien …
Ses grands rires qui fendaient la place comme pour marquer son territoire
Pour faire peur à la mort, pour bouffer la vie comme un gros sac de chips
Sans fin, sans fond

Si l’irresponsabilité avait un visage, ce serait peut-être le sien
Mais il aurait les moustaches de la candeur et la couleur du ciel dans ses yeux
Jamais de méchanceté mais jamais de protection
Jamais de cadre mais toujours la spontanéité
De toute façon, on avait une mère pour le sal boulot, non ?
Tellement facile mais surement mieux
Ce Pierrot qui faisait trembler les femmes d’amour et sautait par-dessus bord
En cas de naufrage, l’homme à la mer avant les femmes et les enfants
J’en connais deux qui auraient pris un peu plus de temps avec lui

Non trois …
Parce qu’après le rapt qui dura dix ans
Celui-là même qu’il a laissé faire
Celle qui ne voulait pas qu’on s’approche de lui fut enfin détrônée
Pour une rare fois, il aura ramé pour tout sauver
Heureusement qu’il était junky de la peau des femelles pour qu’une d’elle arrive à point
Crise de manque évitée de justesse
On l’a aimée tout de suite puisqu’elle nous a remis notre père sur un plateau d’argent
Grégaire, hédoniste, accueillant et disponible
Drôle et coquin, assez pour mettre de côté les manques et les failles
Se racheter, comme un ex-prisonnier en réinsertion, pas seulement sociale

Se rendre compte que les jours sont comptés en faisant l’amour
Ça ne pouvait arriver qu’à lui
Cinquante-quatre printemps arrachés par un seul automne
Thank God j’ai eu le temps de lui dire que je l’aimais
Thank God il m'a rendu la pareille
Thank God j’ai eu le temps d’enfouir mon grand nez dans son cou
Imprimer son parfum de papa pour toujours en vue des souvenirs
Juste avant la première neige de Novembre 1996
Me semble que c’était hier

Et pis pour que l’amour revienne, Vieux motard que jamais
Comme tu disais

7 commentaires:

vanessa a dit…

C'est un très beau texte.Pops m'a dit qu'il voyait beaucoup de lui en toi. Je pense qu'il en serait fier.

Martin P a dit…

On l'aime pi on t'aime encore plus ! merci

Anonyme a dit…

"Cinquante-quatre printemps arrachés par un seul automne"
Quelle belle phrase qui résume beaucoup de chose. Merci de ce témoignage...

fouinet a dit…

Il serait certainement ému de cet hommage ce très bel homme

gaudie a dit…

C'est demain le 18 novembre l'anniversaire de sa disparition, et moi qui l'ai bien connu je me souviendrai toujour de lui avec une tendresse certaine. Je suis sûre que là où il est il veille sur ses filles. Ce qu'il avait de plus beau,ses grands yeux bleus malicieux.

KHORE a dit…

Merci, j'ai été très touchée. La mémoire, l'amour, ça survit à la matière.

Delphine Gélinas a dit…

j'avais oublié cette année...Il doit y avoir un homme dans ma vie pour que j'oublie même temporairement le seul à qui j'ai tout pardonné, le seul avec qui j'ai été moi all the way... Merci ma soeur pour ton texte...maintenant je vais aller rêver à mon papa. xxD