mardi 23 juin 2009

Histoire de tanière


En entrant on ressent immédiatement la lourdeur du passé .
Les chuchotements, les cris, les pleurs et les rires gras retentissent sous la peinture qui s’écaille et qui tombe par plaque sur le sol.
Les gémissements de douleur ou de plaisir résonnent sourdement s’y on y prête attention.
Les murs retiennent leurs histoires, les fenêtres ont surement encore le reflet de l’espoir ou du spleen des yeux qui s’y sont accrochés, les planchers, oh les planchers …
Foulés par des centaines de milliers d’aller-retours, de pas pressés, de courses effrénées ou de savates lourdes de lentes agonies …
Je m’abstiendrai d’imaginer les pas de danse et les talons qui claquent, les dessous de jupes et frou-frou qui virevoltent et les pantalons qui atterrissent trop vite suite à une chute coquine.


Le néo-classicisme de cet endroit, tout en décrépitude est à l’état d’émouvant.
La pancarte à vendre en est une triste, monument historique tout bien estampillé dessus ne lui donne pas d’acheteur éperdu d’amour qui ne compterais pas les dollars pour la remettre à neuf, non …
Meredith l’a faite construire, Notman l’a habitée, y a travaillé pour le compte de la reine Vicky, y a surement fait quelque petites fête en bon Écossais qu’il était avec les copines des beaux-arts et elle passa aux mains d’un Sir dont on ne sait pas grand-chose pour finir en hôpital recevant les vieilles dames décaties opérée par l’église Anglicane …

Imaginez tout ce beau monde, imaginez la bâtisse, le temps qui passe, les ministres de la culture qui s’en mêle et qui font fi des millionnaires qui veulent la mettre à feu et à sang en lui donnant un titre, mais surtout, imaginez des rois de la nuit qui mettent la main dessus dans les chics années 80 et qui en font un des premiers after-hour avec le format qu’on leur connaît aujourd’hui où la Shirley se dévergonda sans vergogne, sous la tutelle de Di Salvio et les frères Holder, ES party animal, imaginez une équipe de cinéma qui déboule comme un troupeau de gnou qui vient de flairer un feu de savane ou mieux, imaginez une productrice Américaine qui en fait le tour avec son bouquet de sauge en feu pour chasser les mauvais esprits …

Un sanctuaire aux airs de vieille jeune fille, rongée par le cancer de l’usure gît là en plein centre-ville et fait encore naitre des passions.
Je la visite une fois l’an minimum pour mon labeur, j’en fait le tour, ouvre toutes les portes, m’émerveille au mêmes endroits, reste dans le noir pour voir si enfin, je ne serais pas la première qui y rencontrerais un fantôme, reste bouche-bée devant les grandes poutres arquées du plafond de la salle de bal, fait trois ou quatre pas de danse en passant, souris à la vue de la plomberie qui se montre sans pudeur au travers des murs et des plafonds et prends l’air sur l’immense terrasse qui tombera surement bientôt …

Je suis tellement privilégiée d’avoir accès à tout ces endroits d’habitude fermés au public, j’ai tellement de questions pour les propriétaires toujours contents de faire la liste sans fin des anecdotes à haute teneur en légendes urbaines, mon cerveau en éponge de mer se régale éternellement de tous les détails qui me sautent aux yeux, heureuse je suis d’être atteinte de curiosité maladive parfois … parfois …

Si vous saviez ce qu’on ressent quand on entre par la grand porte du vieux Pennitencier de Saint-Vincent de Paul, le grand courant d’air frais qui vous renverse un chariot costume en deux temps trois mouvements, si vous saviez comment il est précieux d’en faire la visite avec Monsieur Cormier qui a passé sa vie en dedans mais qui sortait le soir, si vous saviez combien je me trouve chanceuse de pouvoir le harceler et qu’il rit …


Je vous en glisserai mot plus tard …

5 commentaires:

fouinet a dit…

Quelle émouvante description!
Je la relirai.

Paco a dit…

Ces endroits sont en effet hallucinants.. j'ai été pris de cette même état de béatitude devant la densité de l'Histoire dans cette même maison et aussi dans la maison de la famille qui a littéralement parti tout ce qui est "train" au Canada (j'ai un trou de mémoire sur le nom de cette famille archi friquée).

Maison dans Westmount absolument déroutante par son histoire, ses modèles de trains, ses tableaux, ses bibliothèques avec livres datants de 1840, thèses, ouvrages d'ingénierie des années 1800s, manuels de math, romans... et le murmure des murs et des planchers... oui je comprends vraiment très bien la Shirley dans son éblouissement!

Très touchant Shirley.

gaudie a dit…

Dans cette maison Notman j'y ai construie un de mes plus beaux décor contemporain...un appartement de New York pour une famille d'intellectuels et de musiciens assez nantie...j'ai refais tout le rez-de chaussée et l'étage au dessus. Une totale transformation, difficile était de croire qu'avant il n'y avait que de l'usure et des murs qui tombent, c'est un endroit magique qui sera hélas un de ces jours prochains démoli pour faire une tour de condos chic...à moins que?

La Shirley a dit…

"Cet édifice a été classé monument historique le 8 décembre 1979 par le Ministère de la Culture et des Communications."

Pas le droit de crisser ça à terre ni d'en faire un club ...

Gaudie a dit…

Je reviens pour dire que j'ai déjà rêvée de l'acheter (avec le gros lot de la loto évidemment) et d'en faire un joli hôtel de charme...j'imaginais la clientèle, l'atmosphère, les fantômes pas tuables malgré les transformations, le joli jardin intérieur pour les thés branchés de Montréal, des chambres uniques et raffinées, une salon comme à Marrakesh, une salle à manger comme en Toscane, et des salles de bains comme au Japon! Bref, un rêve éveillé ça coûte pas cher, et ça meuble les moments creux!!!!!