mercredi 10 juin 2009

Coupe à blanc


C’était un matin d'avril comme un autre, en fait non …

Mon réveil-matin radio m’avait fait entendre une toune que je chantonnais sans penser jusqu’à ce que la voix de la radio me fasse la liste de toutes les mauvaises nouvelles du jour …
Il était quand même tôt pour le malheur non ?

Entre deux histoires d’accidents de voiture, de chute de la bourse et de corps d’un jeune homme retrouvé près du centre sportif du CEPSUM, il y avait l’eau qui coulait pour me laver les dents et le séchoir pour gonfler mes cheveux courts du moment …
Je n’écoutais pas vraiment …
Deux coins de rues me séparaient de ma piaule à mon boulot et vendre des vêtements d’enfants à prix scandaleux à des Madames de Foutremont me faisait tout de même me lever de bon pied puisque mes comparses de travail étaient toutes adorables.

Après avoir passé la boutique au peigne fin, nous étions prêtes à recevoir les dames blasées du flan de la montagne qui débarquaient avec leurs mouflets mal élevés mais notre bonne humeur matinale fut craquée par l’arrivée inattendue d’un chanteur peu connu à l’époque.
Son corps tout entier annonçait le malheur.
Son visage enflé par les larmes nous prédisait le pire.
Il était venu annoncer à une de ses Ex maintenant une amie, la mort violente et horrible de son jeune frère, ne trouvant pas d’autres oreilles disponibles à cette heure si précoce.
Il ne savait pas qu’il annonçait par la bande la mort de mon premier grand amour, de ma première baise, de mon plus grand complice des 4 années passées…
Il ne m’avait vu que deux fois et il était ivre mort de toute façon.

Je suis tombée sur les genoux en me tenant le ventre, j’ai vu des milliers de points noirs et blancs et j’ai failli m’évanouir. Pleins de yeux ce sont tournés vers moi.
Mais qu’est-ce qui lui prend celle là ?

Un siphon si puissant qui vous prend les trippes, un sifflement si aigu qui vous rempli les oreilles, le cerveau qui se remplie d’images atroces qui prennent forme à force que les mots défilent hors de la bouche de l’autre qui vomi sa rage et sa peine, c’est le pire tour de manège qui puisse être, comme un tour de karting pas de kart, l’annonce qui sonne comme une nuée de coups de bottes de néo-nazi dans ton âme et qui fait qu’on peut pas se relever.
La coupe à blanc dans ma vie de jeune fille de 16 ans.
C'est ça qui me prends ...

J’ai eu deux jours off, juste assez pour faire vivre le même drame à une dizaine d’amis par le biais du téléphone. Le même esti de tour de manège macabre.
Des silences, des cris, des pleurs, des hoquets et des crampes, l’incompréhension la plus totale devant l’innommable, la perte d’un ami, la mort violente d’un jeune, le défilé de l’abominable injustice du dispatch de la luck.

Il avait pourtant tout pour avoir une bonne vie …
Des parents pleins aux as, éduqués, psys en plus, un appart de luxe sur Sherbrooke, des chalets, un bateau, pleins d’autos, des Picasso aux murs, des frères pour jouer, une belle-mère relativement cool …

Manquait juste l’essentiel. L’amour.
Il était un enfant d’apparat, pour faire joli, pour faire accompli.

Il aurait eu 45 ans aujourd’hui.
Il se serait mit beau et on serait allé prendre une bière et on aurait ri.
Bonne fête Guigz.


6 commentaires:

vanessa a dit…

Je n'ai pas encore perdu quelqu'un proche de moi... donc je ne peux même pas imaginer se que tu as vécu.
Je crois que c'est dans ses moments
la qu'on veut croire que la mort n'est qu'un passage vers un lieu ou les êtres aimés ne souffrent plus ...

Anonyme a dit…

Tu me tires des frissons. La perte d'un être cher, ça reste tragique. Dans ces circonstances, c'est juste horrible, jusqu'à la fin.

gaudie a dit…

Déjà 25 ans...je le revoie encore, si beau.
Et moi qui prenait l'avion pour aller travailler au loin, j'aurais tant voulu rester pour te consoler, mais la vie est ainsi faite...et les cicatrice qu'elle nous laisse sont les preuves inneffaçables de nos souvenirs inaltérables.

fouinet a dit…

Quand elles se réouvrent les cicatrices du deuil font ressortir l'immense douleur vécue et en même temps des souvenirs qui nous ont fait vivre des moments intenses et merveilleux.La douleur on voudrait la voir disparaître mais elle viendra nous visiter à l'occasion tout au long de notre vie.A toi ma plus chaleureuse accolade.

V a dit…

Tu me tires des larmes ce matin, quelle tristesse. Y'a pas de mots pour des peines comme celle là. xxx

Delphine Gélinas a dit…

...je me souviens surtout de toi les yeux pleins d'eau dans son grand chandail vieux rose en laine (10 fois trop grand pour toi)...On habitait chez notre pêre...Assise sur ton lit tu disais ''allôôôô?'' dans une manche et puis comme avec un téléphone tu écoutais dans l'autre manche...Mais pas de réponse, tu te berçais et tu pleurait...J'aurais pu te trouver vraiment farfelue cette fois là mais j'ai juste été impuissante et troublée par ton chagrin...Love you...