vendredi 29 octobre 2010

King Craft ou l’art incertain du « Samouitch »

À la grâce de Dieu, les acteurs et actrices arrivent très tôt (trop) dans le grand stationnement rempli de roulottes et de romanichels extra-matinaux de luxe, la tête enfoncée dans le capuchon de leur gros sweatshirt, les mains dans les poches, les Hugs aux pieds, le nez pointant vers le sol because les paparazzis ya know … Ce n’est plus une paranoïa, c’est une seconde nature !
Il serait bien dommage de faire la Une de US Weekly avec les cheveux en broussaille et la poche sous l’œil à peine ouvert, ils auraient presque l’air d’avoir des « problèmes de consommation » ou quelconques ennuis à juger durement …

Ben non merde !!! Il est quatre heures am ! Même Halle Berry est chiffonnée à quatre heures am !!! Je le sais, je l’ai vue tout les matins durant un tournage fait ici. À la différence de certains autres, elle se déchiffonnait vite et tout en beauté … En plus d’être beaucoup trop adorable pour une seule et unique personne. Bref …

Tout le monde à cette heure là n’a qu’une obsession : UN CAFÉ ! UN THÉ !
Un petit quelque chose de chaud et réconfortant, ça presse !

À ce besoin tout instinctif qu’il est, techniciens, acteurs et Big Boss se muent tel un banc de sardines vers la roulotte pleine de promesses sustentatoires qu’est ce qu’on appelle affectueusement le « Craft ». Y règne en Roi et Maître le chef cook, son assistant le seconde avec assiduité. Dépendamment du nombre d’artisans à nourrir, le nombre d’associés de ce dernier doublera pour arriver à calmer les estomacs vides de tous. Mine de rien, ils sont là au moins une demi-heure minimum avant toute l'équipe ...

On y croisera des gens matinaux et bruyants, des hypoglycémiques en manque de sucre essayant de tromper l’ordre de la file d’attente, des grognons pas matinaux du tout qui rentrent et sortent aussi vite, des débuts d’idylles ayant enfin deux ou trois minutes pour se cultiver un « kick-de-plateau » et tout ce que notre union syndicale compte d’allergiques à ceci, d’intolérants à cela et d’anti-PPP (pain-pâtes-patates) exigeants leurs petit-dej un peu moins mainstreem que les œufs-bacon proposés par l’Empereur du snack.

Le café est ordinaire même si la machine coûte cher, le taux de cholestérol dépasse souvent les limites permises par le corps, les courses sont faite en gros chez les Costco de ce monde, l’espace est souvent trop restreint, les odeurs sont violentes, si vous aviez pris votre douche et lavé vos longs cheveux, vous sortirez de là puant le bacon dégoulinant pour au moins deux heures (de là, la nécessité de porter le « bacon-coat » pour aller se chercher de la bouffe que je mets à la disposition de mon staff dans la roulotte costume), la mayo a chaud sur le comptoir, les fruits sont souvent trop murs ou pas assez, les pains sont carrés et bizarrement moelleux, les céréales sont choisies pour une clientèle de 8 ans et moins avec leurs boites aux couleurs criardes avec des animaux étranges dessus, Tim Horton a longtemps dominé sur les tables de craft comme les petites bouteilles d’eau en plastique dans les cooler et jamais, au grand jamais, on ne manquera de mettre les bonbons et sucreries aux couleurs louches sur l’autel de la boustifaille après le repas du midi sinon un riot sanguinolent mettrait fin au tournage de la journée.

Mais …

Dans tout ce brouhaha, la tendresse de nos Chef Crafties plein d’attentions est émouvante, le petit spécial « juss pour toé ma noère » vous fait sentir toute unique, les efforts de cook de chantiers à se raffiner sont louables et le temps pris pour se rappeler les caprices de tous est impressionnant.

Les végétariens sont plus nombreux qu’avant ? Qu’à cela ne tienne, on se met chum avec le mec de Fontaine Santé, on met des bouillons de légumes au lieu du bouillon de poulet en bouteille et on apprivoise la roquette. Les allergiques au produits laitiers souffrent le martyr si une cellule de lactose frôlait leurs boyaux ? On tient une petite pinte de lait de soya pour que la « petite » ne manque pas la job à causes de ses crampes. Les chefs de départements décident d’épater la galerie en recevant le groupe à grand coup d’huîtres ? Ben oui je vais te les couper tes citrons pis j’vais t’en faire des petites sauces smaths au vinaigre et aux oignons pour accompagner tes bébittes ! C’est l’anniversaire de quiconque ? On ne vous oublie pas et on vous fait le coup du gâteau, des chandelles et du chant cacophonique sur un air connu. Comme un giron universel, mère d’enfants turbulents affamés, qui respire toujours par le nez …

Et dans le lot de « samouitchs » que l’on ingurgite à la vitesse de l’éclair tout en travaillant, se trouve une petite surprise, une inspiration délicieuse, une saveur que l’on attendait pas, un petit goût de « r’venez-y » que l’on n’aurait pas osé espérer, un Marmiton qui s’est dépassé et qui a de l’imagination en plus du savoir faire de la mangeaille à la chaine.

Ils et elles ont tous leurs genres, leur spécialités, leur signatures, il en est que l’on célèbre juste à voir leur nom sur une liste d’équipe, il en est qui nous font exiger un frigo au mec des roulottes, histoire qu’on fasse les écureuils et que l’on se cache de la pitance à notre goût plutôt que de râler durant les mois à venir et perdre un peu trop de poids. Il est de toute façon, impossible dans ce domaine, de plaire à tous le monde.

Les productions intelligentes sauront qu’un craft qui a de l’allure sera un gage d’une équipe heureuse et sémillante et le contraire ralentira les ardeurs des escouades de chaque département. Les plus pingres s’en fouteront comme de leur premier sandwich et tiendront le fameux discours que les techs se plaignent le ventre plein. À cette boutade, je rectifierai que les Big Boss ne passent pas généralement 15 heures par jours sur les plateaux, peuvent prendre des breaks et bouffer où ils veulent, ne transportent rien, sont à l’abri des intempéries dans leur bureau chauffé ou climatisé c’est selon. Voilà.

Pour terminer, sachez qu’il n’y a pas de tournage sans King du « samouitch », qu’ils ont tous en commun une fibre maternelle plus grosse que la Place Ville-Marie et que quoi qu’on en dise ou en pense, on fini toujours par passer par leur buffet pour manger nos émotions ou pour boucher un trou béant laissé par nos horaires de fous. Mon appréciation est sans limites et mon admiration, sans borne. Que Vishnou les bénissent ! Amen.

2 commentaires:

KHORE a dit…

Merci Shirley pour ton billet délicieux et, comme souvent, plein de tendresse...XX

Martinovich a dit…

Ça devrait être publié en annexe au contrat ça, ou avec la feuille de service une fois de temps en temps