jeudi 4 novembre 2010

Petite liturgie maternelle

Souper de filles, embrassades, rigolades, bectance savoureuse, drinks et enfin, langues de plus en plus déliées.
Conversation sur un peu tout, la nouvelle coupe de cheveux, le bébé qui s’est maquillé loin des yeux de sa maman, boulot, rénos, nos hommes, la vie et insidieusement, nos familles, nos mères …

D’un point de vue uniquement anthropologique, le baragouinage devient peu à peu plus profond. Et puis, plus rien d’autre n’alimente l’entretien. Nos mères …

Trois femmes, différentes, élevées par trois femmes différentes, des pères encore plus hétéroclites, dans des milieux différents. Une d’entre elles passe beaucoup trop de temps avec la sienne, borderline pas sain, s’en plaint de façon désespérante mais n’a qu’elle dans sa vie en ce moment. L’autre avoue avec le naturel le plus désarmant qu’elle n’aime pas sa mère, même pas un tout petit peu et moi, je dis sur mon ton le plus neutre possible que je suis atteinte de la fièvre de l’amour inconditionnel malgré les hauts et les bas, les incompréhensions et les différences de point de vue. Beau portrait assez complet …

On y allait toutes de nos avis sur la mère de l’autre, l’intégral de ce que l’on ne pourrait supporter ne serait-ce qu’un instant versus ce dont on ne pourrait se passer.

L’une n’a que sa mère comme amie fidèle quoi que tellement toujours sur son cas, toujours critique, toujours dans le négatif, insatisfaite chronique et surtout, infiniment engluée dans un sentiment de culpabilité d’avoir fait un enfant d’apparat. Sa présence est constante mais lourde, faisant passer les quelques moments de légèreté pour des diamants bruts. La femme est un personnage en soi, une dragonne en feu face à sa fillotte qui n’espère qu’une caresse dans le dos, une approbation, un encouragement aussi microscopique soit-il. Une quête d’amour désespérée, touchante mais déroutante.

L’autre, quoiqu’assez crue sur ses sentiments face à sa mère, nous aura appris qu’elle ne peut même pas avoir de contact physique avec elle, pas même une accolade de Noël, surtout pas un bizou, on se contentera ici de politesses cordiales et on se réfugie au plus criss dans la pile de 7Jours des derniers mois pour ne surtout pas avoir à jaser puisque c’est là que le bât blesse. Rien à dire. Urbanité contre Ruralité égal néant. Clash de génération et d’idéologies. Petites gens au quotidien tracé jusqu’à leur mort versus Artistes fuckés avec une vie en dent de scie poivrée d’incertitudes. Deux mondes trop différents. Un mépris ordinaire qui donne l’impression de « faire du temps » en famille.

Pendant ce temps, je m’immisce dans le flot de parole et me rends bien compte que je réagis en bonne Balance que je suis, faisant le pour et le contre de ce que nos mères ont vécu à notre différence, soulève les incongruités de l’ère dans laquelle on vit par rapport à celle où nos bonnes-femmes ont évoluées, pionnières en matière de « monoparentalité » avec les bons côtés et les plus sombres aussi. Je souligne la pesanteur des couples qui restent ensembles parce qu’il le faut, chose que l’on ne fait pratiquement plus. Je revois les amertumes accumulées au fil d’une vie menée à bout de bras, les rêves brisés par tant de promesses non tenues, l’apprentissage de l’autosuffisance si contradictoire, l’embellissement des tourments pour mieux avaler des pilules au goût âpre qui prennent vite des allures de mythomanie si on regarde le tout froidement. Encore et encore la frayeur ultime des qu’en-dira-t-on qui vous font échafauder des scénarios dramatiques.

Putain que ça peut être lourd … Mais que c’est lourd …
Mère-fille. Fille-mère.
Merci Seigneur de m’avoir donné un fils, merci. Une fille pockée de moins sur la planète.
Une mère à boutte de moins sur la Terre. Un autre conflit de guerre évité .

Ceci dit, je ne me considère pas pockée parce qu’un jour j’ai pris sur moi et j’ai commencé à dire ce que je pensais pour vrai. Doucement.

Je suis nulle dans les affrontements mais je ne peux pas dormir avec une crotte sur le cœur. Mon avis diffère ? Et ben comme dirait mon Zamouri; We agree to disagree ! Et c’est pas plus mal. On est si différentes dans nos ressemblances. L’ère de l’amour absolu approche de la fin, le dernier tabou pourra peut-être tomber, ma chum pourra peut-être ne pas aimer sa mère sans se sentir comme une médiocrité finie, l’autre apprendra peut-être à vivre sans l’homologation utérine de sa maman, je me permets maintenant de voir la vie autrement que dans les yeux des autres, acceptant sans toujours me questionner, que ma vision en est une qui peut tenir la route, MA route, vu qu’il y a autant de façon de voir la vie qu’il y a d’humains sur le globe. Là où je doute des agissements de ma mater, elle réussi à m’émerveiller sur un pan de vie que je ne pourrais même pas m’imaginer. Balance hein … je l’ai dis déjà …

Tant mieux pour moi. Quand elle doute de ma façon bien personnelle de faire les choses ou de dire ce que je pense, son avis ou sa réaction ne m’affecte plus comme avant, « suit » de Teflon à l’appui, donnant la possibilité au pardon débonnaire et faisant place à autre chose que du rabâchages d’idées mornes et cafardeuses. Mission accomplie. Et si je n’avais pas la patience ou les prédispositions à écouter ou à passer du temps de qualité, je préfère m’abstenir plutôt que d’endurer, ce que beaucoup de filles font au nom de l’obligation. Au risque de passer pour une sans-cœur, statut que je gère fort bien, je privilégierais les instants sweet & sincere mais épars à une promiscuité trop régulière, voire étouffante. Je suis une grande fille maintenant ! Ze capab’! Moa tu’seule !!!

Des milliers de bouquins ont disséqué le topo, chaque femme que je connais en a long à dire sur sa matrice, encore à ce jour on juge durement celles qui n’ont pas d’affinités avec celle qui les a pondues, comme si c’était de la méchanceté pure. Pourtant …

J’ai des connaissances femelles qui sont des mères que l’on dit sans talent, à qui l’on reproche le pire mais qui font de belles amies. J’ai des amies qui ne sont devenues que mère, puis plus rien d’autre. Out la fille. Tout passe par les enfants. La femme, la maitresse, l’amie, l’unicité, l’entité, tout ça dans le broyeur de la maternité. Et c’est pas plus mal. C’est autre chose. Je connais des femmes qui ont un peu remplacé la fille d’une amie âgée qui elle a une fille pleine de reproche face à celle-ci. Ça crée un malaise ? Fuck it ! Ta mère c’est mon amie pis je l’aime. Point barre !
Des liturgies touffues, des débats émotifs, des envolées enrobées de sucre, des orages passagers, des tornades destructrices, des déserts inquiétants puis un jour, plus rien …
En profiter de son mieux ou encore se donner le droit de ne pas fléchir sous l’oppression du sacro-saint amour maternel. Palabre sans fin !

Mais c’est jamais ennuyant ! Ah ça ! Jamais !

1 commentaire:

KHORE a dit…

Ouf de ouf de wow Shirley...tu tape dans le mille, tellement, avec ce billet. Merci d'avoir pris le temps de mettre des mots là-dessus.